« Ils se tournèrent vers le roi d’argent et s’inclinèrent devant lui ; sa robe brillait agréablement de leur reflet doré.
– “Soyez les bienvenus, dit-il, mais je ne puis vous nourrir : prenez ailleurs votre pâture et apportez-moi votre lumière.”
Ils s’éloignèrent, et, passant devant le roi de bronze, qui ne sembla pas les remarquer, ils se glissèrent vers le roi mélangé.
– “Qui régnera sur le monde ? cria-t-il d’une voix saccadée.
– Celui qui se tiendra sur ses pieds, répondit le vieillard.
– C’est moi ! dit le roi mélangé.
– On verra, dit le vieillard, car le temps est venu.”
Le Beau lis se jeta au cou du vieillard, et l’embrassa avec la plus vive tendresse.
– “Père saint, lui dit-elle, je te rends mille actions de grâces car je viens d’entendre, pour la troisième fois, la parole prophétique.”
Elle avait à peine dit ces mots, que ses bras s’attachèrent au vieillard plus fortement encore, car le sol s’ébranlait sous leurs pieds ; la vieille et le jeune homme se tinrent aussi l’un à l’autre ; les mobiles feux follets étaient les seuls qui ne s’apercevaient de rien.
On pouvait sentir distinctement que le temple tout entier se mouvait, comme un navire qui s’éloigne doucement du port, quand les ancres sont levées ; les profondeurs de la terre semblaient s’ouvrir devant lui, à mesure qu’il avançait » (Johann Wolfgang von Goethe, Le serpent vert).